GROUPE: PENITENCE ONIRIQUE
TITRE ALBUM: Nature Morte
LABEL: Les Acteurs de l’Ombre Productions
DATE DE SORTIE: 2023
Le Black Metal comme il est né et comme nous l’avons connu, n’est plus, bien que cette flamme perdure en certains endroits et dans quelques coeurs morts. Et si certains ont emprunté une voie plus aérienne pour n’en extirper une essence que trop poétique et fragilisée par un état d’esprit si candide, d’autres ont conservé cette violence et cette noirceur , comme Aodon, en la rendant tout aussi glaciale si ce n’est plus. C’est le cas également pour PENITENCE ONIRIQUE.
Ce duo abscons devenu groupe, en arrivant il y a sept ans, deux ans avant le grand chambardement, avait déjà affirmé son indépendance et sa volonté de nuire avec leur très sulfureux et corrosif premier album « V.I .T.R.I.O.L ». Talent d’écriture et de composition indéniablement confirmé trois ans plus tard en plein chaos avec le magnifique « Vestige » qui s’érigeait en vainqueur sur les ruines d’un monde 2.0 plus proche du zéro. Les Acteurs de l’Ombre ne s’y trompent pas et en véritables dénicheurs de talent par endroits, ils signent de nouveau avec les centristes de PENITENCE ONIRIQUE pour ce troisième album : « Nature Morte ».
Un troisième album qui confirme le talent et la maturité de ses créateurs, tant l’on sent qu’il y a un monde entre celui-ci et leur premier, et que l’écoute de ce « Nature Morte » nous permet au contraire de nous sentir vivant afin de laisser les émotions malsaines traverser nos esprits en sublimant la musique si ténébreuse de PENITENCE ONIRIQUE.
Dans cette illustration Aurore Lephilipponat nous impose son émotion poétique en chargeant ses objets inertes , d’allusions spirituelles ; un peu comme le courant des vanités, puisque l’on y retrouvera (et chacun y est de sa propre émotion) la corruption de toute chose avec les craquelures et ces pétales tombants. Mais aussi la religion et la vie éternelle avec cette couronne symbolique, sans parler de cette fragilité si flagrante aujourd’hui, de la vie elle-même. C’est également ce que le contenu de paroles vous présentera, déjà parce que les mots qu’écrivent PENITENCE ONIRIQUE redonnent un sens aux phrases et montrent que l’écriture est un art qui s’estompe, qui s’érode peu à peu, laissant la place au néant. Et ensuite, parce que PENITENCE ONIRIQUE nous comble d’écrits très critiques sur la fin d’une civilisation, et relativement pour ne pas dire absolument, proches parfois d’allégories religieuses.
Rien que là, on peut se rendre compte du travail passionné, amoureux de son art qu’ont réalisé PENITENCE ONIRIQUE pour écrire, composer et penser ce troisième album qui est certainement le meilleur qu’ils aient jamais réalisé.
Un album sans faille d’une inspiration inégalée.
Inégalée parce que la première écoute et les dizaines qui suivront , montrent que l’année 2023 dans cette catégorie de musique extrême se verra obligée de citer cet album certainement parmi les trois meilleurs.
Aucune erreur, aucun faux pas, une atmosphère si prenante qu’elle vous drape immédiatement avec une introduction de « Désir » , puis de sa puissance, et vous encercle jusqu’à la fin, jusqu’aux « Indifférenciés » qui ne vous laisseront pas indifférents .
Le black metal de PENITENCE ONIRIQUE n’est ni inspiré par les anciens temps, ni pollué par ses camarades contemporains en mal de pertinence, car ici « Nature Morte » est une véritable Pertinence Onirique tant dans sa musique, son inspiration que dans ses visuels, écrits ou illustrés.
Ce qu’il ressort de leur black metal, c’est l’intensité, une intensité constante telle que celle que l’on retrouvait sur l’album « République » de Malevolentia. PENITENCE ONIRIQUE arrive immédiatement avec ce premier titre à capter l’attention, à la conserver et la mettre en ébullition grâce à une violence noire de riffs très rapides et d’une hargne vocale incessante.
Quarante six minutes s’étalent sur sept morceaux, qui, bien que faisant pour la plupart entre cinq et neuf minutes , se retrouvent à être tellement admirés qu’ils sont trop courts. « Les mammonites » assoient l’auditeur définitivement avec des incursions si épiques, une profondeur vocale dans la manière de parler, et surtout cette inspiration tellement au dessus du lot qu’on se retrouve sans voix devant cet album de black metal contemporain.
PENITENCE ONIRIQUE est unique et crée quelque chose de si particulier que la symphonie légèrement présente dans leur musique, la poésie si décalée dans leurs rythmiques, hypnotisent l’esprit de celui qui se fait agripper et pourtant rien n’est jamais gagné. Le titre « Nature Morte », prend le temps, ralentit et ouvre la souffrance et la mort pour tous ceux qui y seront sensibles. Et si le texte permet de penser avec une légion d’angles de vision, c’est surtout l’atmosphère nettement plus posée qui offre autant à la chanson qu’à l’album, l’aération intelligente qu’il fallait et porte l’album au statut de chef d’oeuvre.
Tout s’enchaîne et tout se mélange, mais tout est si savamment orchestré qu’il est impossible que vous n’y succombiez pas. On erre de surprises en surprises avec l’accélération de « Nature Morte » ou bien l’étrangement alambiquée et somptueusement silencieuse « Lama Sabachthani », puis encore l’enivrante « Je vois Satan tomber comme l’éclair » soutenue en son milieu par le piano de Marie-Marlène BILLOT.
C’est un album qui focalise l’attention de chanson en chanson, un album moderne mais qui ne souffre pas de sa modernité, (« Pharmakos » offrant l’exotisme nécessaire pour ne pas tomber dans les glaces si froides du black metal actuel), PENITENCE ONIRIQUE signe ici un chapitre terrifiant d’efficacité qui nous montre véritablement ce que nous sommes : une nature morte.
Entre l’espace et le temps PENITENCE ONIRIQUE s’impose définitivement et offre aujourd’hui un merveilleux album de black metal de fin du monde...
Arch Gros Barbare
15/10//2023