ARS NOTORIA -Chronicles-

Groupe : ARS NOTORIA

Titre : Chronicles

Label : Great Dane Records

Année : 2023

« Chronicles », c’est tout à fait cela que contient cet album d’ARS NOTORIA. Ce projet solo d’Antoine Grasser (BEYOND THE VOID), est un recueil d’idées, de compositions, d’histoires et d’anecdotes personnelles qui ont certainement été ruminées pendant de long mois, voire peut-être des années dans la tête de leur créateur qui pour le coup a tout composé, enregistré, programmé et joué faute de partenaires stables, en invitant plusieurs musiciens et vocalistes issus de groupes extrêmes plus ou moins underground afin de proposer un esprit différent et adapté à chaque titre.

On se retrouve quelque part avec un face à face très personnel, une espèce de huis clos brutal et technique, parce que « Chronicles », c’est un peu le « Onset of putrefaction » français, quelques vingt-quatre ans plus tard.

Et ici Antoine Grasser s’en donne à coeur joie pour expérimenter des idées qu’il ne met pas forcément ailleurs , peut-être pour ne pas être forcément incompris de ses pairs.

ARS NOTORIA ne se refuse rien, bien sûr que l’ensemble est death metal, death metal technique mais aussi brutal, pour justement remettre certaines choses à leur place, quand d’autres s’envolent vers la technique et les atmosphères planantes qui peuvent en découler, ici ce projet cimente considérablement le death metal avec la brutalité et la technique.

C’est exactement ce que donne « Headsplit », un titre à l’esprit vif, assez moderne finalement dans ses sonorités, mais qui n’oublie pas que du death metal sans lead guitare et solo, n’est pas du death metal.

Chaque titre possède son lot d’invités, et cette modernité se ressent également sur « Save the book ».

Pourtant alors qu’au bout de deux titres on commence à en conclure que tout sera trop contemporain et chiant pour les anciens, l’album prend une tournure différente parce que « Ashes » fait souffler un vent plus groovy dans ses plaines obscures, pour proposer autre chose que du death metal. La voix sur ce titre de Olivier Albalat (Forsake/Ashen Heart) a certainement été choisie en conséquence, parce que le titre lui-même possède un esprit réellement plus groove. Et c’est comme si Antoine Grasser, savait qui contacter pour donner vie à chaque morceau de la manière la plus personnelle qu’il soit. Ce sera le cas pour « Compel » qui malgré un gratté plus traditionnel avance de son empreinte pachydermique dans les rythmiques pour donner à Chris de Voorhees (dont la voix est reconnaissable entre mille) l’élan suffisant pour pulvériser le morceau en poussière. Ce titre est noir d’un death metal des plus opaques, et arrive par endroits à se fluidifier grâce à des guitares aussi limpides qu’une rencontre entre Death et Decrepit Birth.

Pourtant juste après la saveur de la légèreté devient goutue, et « King’s crown » se révèle être une ode à la guitare, avec des notes qui prennent vie et se rassemblent en furie au gré des rythmiques spatiales et des invités de qualité en nommant Vincent Wilquin s’il ne fallait en citer qu’un. C’est à ce moment précis que l’on est certain de la grande musicalité de cet album, car il sait explorer sans se limiter, il ne reste jamais figé et « King’s crown » est un parfait exemple d’instabilité psychologique qui montre la virtuosité dans un esprit torturé.

La production est plutôt proche de la réalité humaine et pas forcément dirigée vers le tout propre et ultra puissant, au contraire Antoine Grasser a su rester proportionné à ce niveau pour donner à ses neuf titres une dimension réaliste, ce qui offre à l’album encore plus de prestige. C’est ainsi que le morceau « Triggered », crache à la face du monde quelque chose de psychotique et effréné dans sa boite à rythmes, mais aussi dans ses guitares presque lacérées, et quoi de mieux que de faire venir Crass (Crusher) pour rendre cela encore plus infernal ?

Le retour au monde contemporain se fera avec « Obey » où le chant d’Adrien Desquenes proche de celui du chant clair de Julien de Gorod, offrira au titre quelque chose de plus atypique, mais les guitares presque « neo-classique » donneront à l’instant la profondeur et la noirceur suffisante pour transposer le monde d’ARS NOTORIA vers des univers plus indépendants comme ce qui peut s’orienter vers le core et même les machines à la Gojira, sans jamais oublier cette frénésie au niveau des guitares, qui empêchent de sombrer dans l’ennui.

Et comme s’il n’y avait déjà pas eu assez de surprises, « Melt » qui vient rassembler les amis de toujours Jack Ruetsch et Antoine Bieber respectivement de Post-Mortem et Beyond the void, propose presque à la fin, encore quelque chose de totalement différent. Ici ARS NOTORIA vient flirter avec le thrash/death mélodique mais aussi psychotique, tandis qu’une fois de plus Antoine Grasser sème la mort sur son passage et préfère vous laisser agonisant dans un magma de notes ultra rapides et intenses qui donnent définitivement à l’album sa dénomination technique plus que méritée. Point de chant, mais des guitares qui parlent.

Et puisque l’on parle de Post-Mortem, rien n’aura été laissé au hasard avec un artwork sobre et marquant signé Laurent Greder (Post-Mortem) et Bryan Beast qui vient donner à l’album un cachet autrement plus

efficace dans son noir et blanc.

Alors que la syncope survient sur le dernier morceau « Wild open » , c’est dans la schizophrénie musicale la plus terrifiante que Loïc, chanteur de Warkunt vient poser ses vocaux pour mettre de la brutalité dans un titre si perturbant qu’il en est addictif.

« Chronicles » ne s’écoute pas, il se dissèque, et ARS NOTORIA aura sans doute composé d’une manière si chirurgicale que le temps de le connaître entièrement sera peut-être aussi long que celui qu’Antoine Grasser aura mis à l’écrire. Entre death metal brutal, technique et modernité actuelle, ARS NOTARIA sort ici quelque chose de surprenant et qui peut désarconner, pourtant l’esprit d’antan est là, et si le death technique devait avoir des frontières, « Chronicles » fait largement partie des remparts. Excellent album , violemment intense.

Arch Gros Barbare

19/04//2023