GROUPE: GOATROACH
TITRE ALBUM: Plagueborn
LABEL: Sleeping Church Records
DATE DE SORTIE: 2023
Le théatrâlisme, il n’y a que ça qui nous sauvera dans cette course folle vers la fin de civilisation où tout le monde s’emmerde, où tout le monde crache sur tout le monde, et où tout le monde ne vit plus que dans le virtuel qui ne rimera jamais avec éternel.
Et les introductions comme « Crawling through the apocalypse » sont là pour nous donner encore ce petit goût de macchabée sous la langue mais avec classe et distinction et nous permettre de survivre à la fadeur de la vie actuelle.
Les finlandais, oui, vous avez bien lu, les finlandais, de GOATROACH, ce jeune groupe de « déjà vieux » arrive sur le marché. Bon ils sont là depuis moins de cinq ans puisque une longue démo est déjà sortie, mais c’est cette année que le label Sleeping Church Records est encore allé chercher l’épine du pied, celle qui rouille et qui fait suinter le pus, pour mettre en format cd ce premier album qui avait besoin de sortir du format numérisé.
Voici donc « Plagueborn » un premier album sortie l’année dernière en impalpable d’abord, mais aussi en polychlorure et acetate de vinyle, enfin du pétrole quoi, pour finir sa course pleine de mélasse en format digipack.
Pleine de mélasse pourquoi ?
Parce que les huit titres de cet album, qui en réalité ne font qu’à peine plus de trente trois minutes, vous étouffent dans leur mélasse nauséabonde et vous laissent suffoquer pendant une demi heure jusqu’à l’arrêt cardiaque.
On parle de sludge doom pour les présenter, alors il est vrai que le côté sludge comme on pouvait le trouver chez les excellents Fange, on le retrouve parfois sur le son des guitares qui est crasseux et dérangeant comme pouvait l’être celui de Buzz Oven il y a fort longtemps.
Mais GOATROACH se trouve être nettement plus polymorphe que ça parce que le groupe va puiser dans une noirceur très deathâdoom à la limite de choses industrielles, comme une décharge de déchets toxiques et mécaniques qu’on pouvait retrouver dans les films tels que Alita ou encore N°9 ; et c’est vers cet univers là que tend fortement ce premier album. Une musique sombre, post apocalyptique avec des guitares et une basse extrêmement pesantes, un peu comme si , encore une fois, des références comme Saw Throat et leur « Indestroy », sorti en 1989 et les terrifiants Disembowelment avaient ressuscité , pour embrasser de leur baiser putride le Death/Doom de groupes tels que les américains de Winter ou les français de Atavisma sur bon nombre de passages lourds et pachydermiques, comme sur les plus rapides. Sauf que GOATROACH est une entité complètement incontrôlable, complètement schizophrène et au fil de ces titres extrêmement courts, la voix de Ville part dans une ire si inattendue qu’elle fait perdre pied.
Au fur et à mesure de la découverte, on s’aperçoit que l’idée reçue en début d’album, s’estompe et on entre véritablement dans celui-ci.
L’atmosphère est formidablement et régulièrement glauque tout du long, avec une extrême sensation qu’il ne terminent pas les titres, une sensation d’inachevé sur chaque morceau qui justement offre à l’album une signature très particulière.
C’est à partir de « Of guided missiles and misguided men » que la bête sort de son trou, le noir est omniprésent et l’opacité oppressante. GOATROACH maîtrise la pesanteur …
« Rise above the primate » reste solide sur ses fondations, lente où il faut et puissante comme il se doit avec une accélération presque black/death qui montre aisément le large panel de création de ce groupe dans l’extrêmisme musical.
Et là, tout s’enchaîne, « Echo of blood », « Excarnated » sont des odes à la destruction, c’est rugueux à souhait, sans fioriture ni poésie pour romantiques, rien que de la pierre et uniquement de la souffrance . Si vous ne saviez pas à quoi servait la basse, maintenant vous le savez car ses cordes sont enfoncées dans votre gorge.
Cet album est une perle rare, quelque chose de trouble, quelque chose de malsain en ressort, jusque sur la voix susurrée à l’extrême de l’avant dernier titre imprononçable et son ambiance si… théâtrale.
« Plagueborn », on y entre, on en ressort jamais...
Arch Gros Barbare
24/09/2023