INBORN SUFFERING - Pale Grey Monochrome -

Groupe : INBORN SUFFERING

Titre : Pale Grey Monochrome

Label : Ardua Music

Année : 2025

Trop de monde passe son temps, lorsqu’un nouvel album arrive, à balancer des stéréotypes du style : « C’est le meilleur, il est génial, vivement le prochain ». C’est ce « vivement le prochain » qui est malheureux. En fait, sincèrement, lorsqu’un album arrive, laissons lui l’opportunité de faire ses preuves, laissons le s’installer dans nos mémoires sans bêtement souhaiter le prochain, car le temps doit faire son office, et prendre ce temps précieux pour vivre, pour ressentir, pour véritablement écouter et savourer un album, est nécessaire à sa bonne appréciation.

Et du temps INBORN SUFFERING en a pris, déjà pour écrire ce troisième album puisque depuis « Regression to nothingness » il s’est passé treize ans et même si l’on a pu se mettre sous la dent la réédition remasterisée de la démo et la version alternative de « Wordless hope », rien ne laissait présager la sortie de ce troisième album.

Une fois encore les maîtres du doom/death français aux allures nobles et tellement mélancoliques, ont su marquer les esprits de ceux qui suivent ce mouvement , avec un album inattendu qui montre une petite évolution dans la musique de INBORN SUFFERING. La facette plus brute et plus rugueuse qui était présente sur « Regression to nothingness » a pris un peu de recul pour que cette mélancolie plus mélodique qui faisait la force de « Wordless hope » revienne en puissance sur ce nouvel album.

On se retrouve avec une configuration classique d’environ sept titres pour moins d’une heure, ce qui reste l’album le plus « court » que INBORN SUFFERING n’ait jamais écrit.
Et au vu de la conjoncture actuelle, il apparaît comme un souffle salvateur eut égard à la morosité de nos vies.

Si le packaging digipack est d’une simplicité insipide, le contenu de ce nouvel album est totalement à l’opposé de sa présentation. Cependant l’artwork de Franck Besançon laisse à penser, bien qu’on ne sache jamais ce qu’il y a dans la tête d’un artiste et encore moins si c’est une commande du groupe, que l’humanité ne verra plus la lumière, que les couleurs qui faisaient cette joie de vivre sont devenues ternes et au fur et à mesure du temps qui avance, on ne discerne guère plus que cette nuance de gris qui remplit nos propres vies, à moins que l’on arrive à raviver cette flamme qui s’éteint peu à peu.

Tout s’entasse dans la mélasse et les corps sans vie s’amoncellent petit à petit sur le tas de morts qui composent finalement toute l’humanité.

Rien n’est joyeux, rien n’est triste au final, puisque le doom/death et plus particulièrement le doom/death de INBORN SUFFERING n’est pas là pour vous montrer le chemin, il est simplement là pour que vous l’écoutiez et l’appréciez si cela vous parle intérieurement.

Voici donc sept nouvelles chansons, si l’on compte l’instrumentale de départ, où gutturalité dans la voix se fait dominatrice, tandis que souffrance et torpeur se dessinent dans la tessiture des voix claires qui offrent à ce nouvel album quelques variations sublimes.

Certes , quelques uns y trouveront de la facilité, parce que les lignes vocales survolent des rythmiques de guitares glaciales mais accessibles. Pourtant INBORN SUFFERING écrit ici quelque chose de toujours aussi grand que ses prédécesseurs avec cette capacité à capter la tristesse à un niveau aussi élevé et aussi profond que peuvent l’être Saturnus. Et lorsque l’on écoute le titre « Pale Grey Monochrome » cette comparaison avec Saturnus est totalement justifiée, car INBORN SUFFERING laisse perdurer des notes qui laissent couler les larmes au fond d’un océan de souffrance si immense que rien ne pourra vous faire remonter à la surface.

INBORN SUFFERING est un des rares groupes français de death/doom , mais également un des rares groupes de death/doom français, qui vous brisent le coeur l’espace d’un album entier, où plus rien n’a d’importance que cette musique qui pénètre votre essence et qui vous laisse glisser vers le néant absolu. Les morceaux sont longs, comme l’étaient ceux des autres albums et comme le sont souvent la plupart des groupes de doom, mais jamais vous n’y trouverez de réelle longueur, car INBORN SUFFERING vous emmène dans un cercle à part où les notes résonnent comme le glas de vos propres vies. Et jamais vous n’avez tenu autant à celle-ci à attendre et écouter chaque seconde qui s’écoule en espérant que la toute dernière note, ne sera justement pas la dernière. Pas une seule fois sur ce nouvel album, vous ne pensez au temps passé, pas une seule fois sur ce « Pale Grey Monochrome », vous ne sortirez de l’abîme, car au bout de ces morceaux enchanteurs, sans vous en rendre compte, vous vous retrouverez sur ce monceau de corps, à attendre que le prochain vienne s’allonger au dessus.

Bien sûr que c’était certain que ce troisième album des franciliens allait laisser une trace indélébile comme l’avaient fait les deux premiers, c’est avec autant de temps morts et de profondeur vocale abyssale que INBORN SUFFERING laisse sa mélodie envelopper votre carcasse en décomposition sur des titres tels que « Tale from an empty shell » où le lead guitare se fait réellement accrocheur et «The oak » qui vous glacera le sang.

Non contents de vous attirer vers la fin de toute chose, ces fossoyeurs ont eu l’amabilité d’inviter quelques connaissances passées ou actuelles comme Loïc Courtete, Frédéric Simon ou encore Mathilde Depernet.


De la poésie avec « Of loss and despair » et « Drawing Circles » qui prennent de la consistance et vous permettent de revoir tout ce qu’il y a à revoir, notamment « Drawing circles » qui se pose réellement en réflexion introspective, comme Interstellar pouvait l’être à sa manière.

Voici donc un troisième album qu’il vous faudra écouter, réécouter...apprécier. Un album dont il vous faudra humer les embruns doomesques à en perdre la raison. Non ; pas «vivement le prochain », car celui-ci se suffit à lui-même et vient compléter une discographie sans faute et d’une noblesse incroyable.

Arch Gros Barbare

02/09/2025