
14 août 2023
GROUPE: THORNAFIRE
TITRE ALBUM: Leprosario Lazareto
LABEL: Great Dane Records
DATE DE SORTIE: 2023
Connaitre tous les groupes est impossible, et encore plus lorsqu’ils viennent de l’autre côté des mers, dans les montagnes. Et pourtant les chiliens de THORNAFIRE ne sont pas nés de la dernière invasion, à croire qu’on l’a fait exprès. Voici vingt cinq ans que ce groupe existe , et fort de cinq autres albums et de belles tournées avec des groupes de renoms ; il propose aujourd’hui seulement un an après « Rituales acusticos » , son sixième album : « Leprosario Lazareto ».
On peut parler ici d’un album plus que remarquable qui vous désarçonne à chaque instant, et s’offre à vous comme un cadeau de la vie plein de surprises.
A côté de ses deux premiers albums, celui-ci possède la pochette la plus extraordinaire, pleine de détails qui met à l’honneur autant leurs racines que l’atmosphère dégueulasse et crasseuse que pouvaient avoir celles de Impetigo ou Necrophagia. Ce qui confère à THORNAFIRE quelque chose de très maléfique , tout en étant traditionnel dans ce qui s’est fait de mieux le siècle dernier.
A cela ajoutons que l’état d’esprit de Victor McNamara et Alexis Munoz décrit dans l’historique du livret et les remerciements, montre la sincérité de leur musique et l’authenticité de leur death. L’atmosphère amplifiée et sublimée de l’Amérique du sud grâce à des vocaux prononcés dans leur langue d’origine, donne à cet album un cachet particulièrement savoureux.
Mais tout ceci n’est rien comparé à la qualité musicale de cet album. THORNAFIRE joue du death metal mais pas que, pas du death traditionnel, ni du death tech, et encore moins du death melo ou du brutal death, non THORNAFIRE réussit en 2023, à attirer l’oreille en proposant quelque chose de profond et noir, tout en étant noble et humble.
Pourtant ce n’est pas l’impression que cela donnait sur le premier titre « El coro de los hambrientos en tus oidos conchetumadre », parce que la volée de notes toutes plus techniques les unes que les autres offrent un plongeon immédiat dans le death technique actuel, celui où l’on ne compend plus la musique. Sauf qu’ici, THORNAFIRE met un frein direct à cet engouement tactique , déjà parce que le chant espagnol, refile un retour de baffe primaire très salvateur, et parce qu’en fait même si c’est technique, on sent que ça part dans un trip psychotique mais sauvage et mélodique comme Virvum ou Stortregn savent le faire.
Et là , on est parti dans une exploration de monde connu mais avec des enclaves totalement inconnues. Et en fait même le premier titre met une branlée très rapidement.
Du coup l’enfilade « Leprosario Lazareto » avec sa brutalité relativement groove et effrenée, se gargarise sur un fond de violence ultra bien foutue.
Mais ça ce n’est rien, parce qu’avec deux morceaux qui restent courts, car la plupart font entre deux et quatre minutes, on a la sensation que ça va rester dans le même trip durant tout l’album ;
Que nenni, quelle idée magistrale que « La red que nos mantiene unidos », avec cette guitare acoustique glauque et cette envolée lyrique guidée par une voix de soprano fantômatique qui nous amène sur les rivages de groupes novateurs et fous tels que Azure Emote.
A partir de là, THORNAFIRE domine son sujet, et son incroyable polymorphie tourne à son avantage, « The great deceiver » s’impose en Oliphant destructeur et même s’il emprunte la mélodie death de groupes comme God Dethroned, la voix d’Alexis Munoz grogne comme une bête des ténèbres, tandis que la vitesse arrive en reine, et la musique des chiliens prend des allures de black/death violemment mélodique mais toujours dans son côté sauvage. C’est réellement une claque qui arrive au bon moment , quand la plupart des sorties sont correctes mais pas gigantesques.
Et c’est comme ça jusqu’ la fin, à tel point que l’on ne voit pas le temps passer. « Saturno » respire l’inspiration black metal proche des Satyricon et des Myticum à l’allure martiale, tandis que « Renati in Se » propose là encore quelque chose plus black/death avec une mélodie gorgée d’inspiration de musique classique comme savent le faire les suisses de Stortregn ou les allemands de Thulcandra.
Ce n’est peut être pas si loin de la vérité lorsque l’on écoute la paradoxale « Diogenes de sinope », qui propose exactement cela, avec de l’opera de ténor et la mort pour unique témoin à l’écoute de ces couteaux qui s’aiguisent.
Chaque titre de cet album est unique, chaque chanson possède une identité forte qui lui est propre où l’on ressent la traversée des âges avec l’amertume et la mélancolie qui vous collent à la peau. C’est exactement le ressenti que vous aurez sur la pesante « Fuego » qui laisse à la basse l’occasion de prendre le gouvernail et naviguer dans les eaux marécageuses les plus poisseuses. Juste sensationnelle.
Comme une suite darwinienne, ce nouvel album évolue et la lèpre gagne du terrain en transformant la musique de THORNAFIRE en quelque chose de black/death noir et malsain. C’est pour ça que « Thornvatras quintaesencia » se fait plus suédoise, à la Dark Funeral.
Cet album brille par son côté cosmopolite et THORNAFIRE arrive à mettre en musique l’exactitude et la justesse des titres qu’il propose comme sur le dernier avec « Gracias por entregarnos 37 minutos de tu vida », c’est fou et pertinent à la fois, et ça reste extrême sans pour autant y apporter de la brutalité en guitares.
Cet album est une mine d’or en ce qui concerne les idées musicales et bien que cela semble désaccordé, tout y est pourtant lié et entremêlé, ce qui en fait un album réellement inspiré. C’est aussi son aération et la manière dont les interludes ont été pensées que tout s’enchaîne à la perfection.
Arch Gros Barbare
14/08/2023