SILT -Entrevue 20/01/2023-


23 janvier 2023

silt LOGO.jpg (184 KB)

Beaucoup écoutent la musique qui les a fait vibrer dans les années 80 ou 90, parce qu’une grande majorité de mélomanes estime que c’était la meilleure époque. Chaque génération pense peut-être finalement la même chose. Et c’est peut-être pour ça que des groupes créés récemment arrivent à réécrire cette musique aujourd’hui, avec l’esprit de ces années là. C’est le cas de SILT, la confrontation parfaite et symbiotique entre deux êtres aux mondes diamétralement opposés : Laurent Chaulet (Mourning Dawn , Funeralium, Ataraxie , Inborn Suffering) et Charles Sangnoir (La Chanson Noire) chanteur portugais de blues/rock. Un premier album de qualité est sorti récemment «The hazmat game », et voici l’espace d’une lecture l’opportunité d’en savoir plus avec Laurent...

IMG_9923.JPG (1.43 MB)

Raconte nous tes origines musicales, et explique nous comment tu as rencontré exactement Charles et la manière dont vous en êtes arrivés à jouer ensemble une musique différente de tout ce que tu avais pu faire dans Mourning Dawn, Funeralium ou Inborn Suffering ?

J’étais amateur depuis des années de goth/rock et du post punk, la première vague, celle des 80’s, The sound, les Chameleons, Pink turns blue etc. Je voulais depuis longtemps avoir un groupe plus « easy listening » si je puis m’exprimer ainsi. C’était tout un challenge de rester dans un format de morceaux courts qu’il faut cependant conserver intéressant. J’étais plus habitué aux morceaux fleuves plus traditionnels dans le doom metal. A l’époque, je voulais tout faire tout seul, j’ai donc pris des cours de chant, avec Charles, qui par la suite est devenu le chanteur du projet, parce que... Comment dire, j’avais pas le niveau ahah.

Silt_the-Hazmat-Game_Cover_Lo.png (693 KB)

Le premier single « Late to life » sorti en mars 2022, annonçait-il déjà les prémisses de ce qui est devenu plus tard dans la même année d’ailleurs votre premier album « The hazmat game » ?

En vérité « late to life » et « Winning » (qui est une reprise de The Sound) sont tirés de la même session que l’album. Le label nous a proposé de sortir le morceau en Ep, on a donc décidé d’y ajouter la reprise, c’est à la fois classique et opportun. Toutefois, il est vrai que « late to life » est le second morceau composé pour ce projet, et on y sent encore beaucoup l’influence Katatonia et le côté metal, qui peut se perdre un peu sur d’autres morceaux.

SILT (10).JPG (3.07 MB)Alors explique nous ce qu’est exactement « The Hazmat game », car SILT choisit ici d’être un ensemble hybride qui relie le monde du Doom metal à celui d’une musique gothique spleenante proche des années 90’s au son entièrement vieille école ?

C’est pas mal résumé. « The hazmat game » marche aussi bien chez les metalleux (vieille école certes) que chez les goths, ce qui est assez inattendu. L’atmosphère sombre, c’est impossible que je fasse autrement, je ne sais faire que ça, et c’est uniquement ce que j’apprécie. Les structures des morceaux sont très rocks en vérité ! La touche goth est clairement apportée par la voix de Charles je pense, il vient plutôt de ce milieu là, que je connaissais assez mal. En tout cas, il n’y avait pas d’objectifs particuliers de marier les deux scènes. Beaucoup ont essayé d’ailleurs par le passé et ça a pu donner quelques horreurs dont on est bien content d’avoir oublié les noms hehe

Toi qui a l’habitude des enregistrements, de la scène également, comment tu as abordé l’envie de repartir de nulle part, avec une telle formation, parce que à un moment de la vie, au-delà de l’envie elle-même de faire de la musique, peut-être que partir de zéro avec une formation, n’est plus aussi grisant que ça pouvait l’être quelques années auparavant, notamment pour partir sur les routes, rechercher de dates etc. ?

SILT (11).JPG (2.82 MB)C’est très vrai. Ca a été le principal frein. Purée repartir de zéro, en 2022, c’est un enfer. Tout va tellement vite aujourd’hui. La vérité c’est que je comptais en faire un truc ultra confidentiel, jusqu’à ce qu’on me propose deux dates vraiment sympas. A ce moment je me suis dit qu’on allait peut être un peu professionnaliser la chose. Après on a du bol, ça se passe bien pour un groupe qui sort de nulle part. C’est l’avantage de la nouveauté, mais ça retombera, et on se fera engloutir dans l’océan des sorties quotidiennes. C’est comme ça, mais on est bien content déjà d’avoir un peu diffusé le nom, et on compte bien continuer .

Quant à l’enregistrement etc, c’est toujours une expérience différente, j’ai eu des groupes vraiment compliqués dès qu’il s’agissait de travailler vraiment ensemble, mais dans Silt, tout le monde a un fonctionnement pro (mes deux acolytes en ont fait leur boulot…) ce qui a permis d’avancer assez vite et de façon plutôt ordonnée. Ce que ça perd en spontanéité et cohésion, on l’a gagné en efficacité c’est certain.

Le monde Goth/rock est-il aussi impitoyable que peut l’être celui du metal ?

J’allais en parler dans la question d’avant. J’ai été étonné. La scène est plus vieille, les gens ont plus de bouteilles et il n’y a pas vraiment le problème des posers hehe. L’accueil fut donc plus confidentiel mais nettement plus chaleureux, le sang frais est toujours apprécié chez les vampires ahah.

Le metal, c’est tellement plus vaste que bon… En tout cas, dans « ma » scène, j’ai pas non plus eu beaucoup à me plaindre de l’attitude de mes comparses, rien à voir finalement avec la scène black metal, le terreau des dramas, et c’est tant mieux. Pour le reste, je reste globalement un metalleux qui fait du goth/rock, pas l’inverse.

On cite souvent depuis sa sortie Sisters of mercy, Tiamat, Varsovie, Katatonia...Comment lorsque l’on est un groupe, comment l’on reçoit ce signal de comparaison ? Est-ce que l’on se dit que c’est bien, lorsque justement, on a la sensation de s’approcher des groupes cités, ou est-ce que la comparaison, peut être ressentie comme un échec intérieur où l’on se disait qu’on aurait peut-être quelque part, sait-on jamais , la pertinence, l’ingeniosité, la chance, ou voire la prétention d’apporter quelque chose d’indépendant pour ne pas dire nouveau ?

Les gens ont besoin d’étiquettes, pour borner les choses, c’est pas surprenant finalement. Moi j’arrive pas à bien définir Silt, alors si d’autres y entendent les Cure, pourquoi pas ? Moi je suis pas très fan et c’est pas du tout une influence, mais who knows ? Donc en réalité je m’en fous un peu, vraiment. Chacun y entendra ce qu’il a envie, tout ce qui m’importe finalement c’est que le « travail » soit reconnu : un groupe qui, je l’espère, montre déjà sa personnalité et s’est bien cassé le cul à proposer des morceaux catchy et riche sà la fois. Savoir si on a réussi, hein, ça c’est autre chose …

A côté de tes autres projets musicaux et de ceux de tes compères, que représente SILT pour vous ?

Ca nous paye la weed. Hum. Silt c’est le projet qui fait un peu chier en fait. C’est le machin qui marche pas trop mal alors que c’était pas prévu, et qui du coup demande plus de temps que prévu. Etant à l’origine de toute la musique etc, perso, ça représente surtout la petite fierté de pouvoir présenter aux non metalleux un extrait de ce que je fais également, sans avoir l’impression de me travestir. Et non, on choppe pas plus en faisant du goth/rock, faut revenir au hip/hop les mecs.

IMG_9952.JPG (1.37 MB)

Votre manière de travailler,qui est celle du monde 2.0 où l’on se voit peu, répète très peu, sauf avant concert , mais celui dans lequel on s’envoie tout à distance pour enregistrer les batteries, refaire les guitares derrières , permet-il aujourd’hui de redéfinir l’essence de ce qu’est un groupe ? Je veux dire le fait de répéter souvent, entre potes, de vivre des choses en tant qu’entité, qu’ensemble de plusieurs électrons qui forment un atome, est-il devenu obsolète ? Est-ce que cette nouvelle définition est selon toi le reflet d’une société où plus personne ne se fréquente vraiment et où un groupe, n’est plus qu’une réunion syndicale parfois, de co-propriétaires oeuvrant dans le même sens, mais sans vraiment se connaître ?

C’est assez vrai. Avec l’ultra vitesse des sorties actuelles, on a moins « le temps », faut exister, tout le temps, la course à la vie musicale, il faut être devant, tout le temps. Répéter une fois par semaine en mode hélène et les garçons, c’est vraiment un modèle dépassé car pas très productif et couteux. Dans notre monde d’efficacité et d’hyper productivité, ça colle pas trop. L’humain tout ça… Moi ça me va à peu près, car j’aime travailler seul chez moi, depuis 2000.

Pour Silt c’est un peu ce qu’il s’est passé : j’ai proposé un produit quasi fini, et les autres ont juste apporté leurs touches, sans qu’on ait vraiment besoin de se voir. Je garde globalement le dernier mot, mais c’est assez représentatif du mode de fonctionnement actuel. Attention, c’est pas le cas partout (mes autres groupes on ne fonctionne pas ainsi, mais c’est souvent car un membre a « besoin » de répéter beaucoup, en général), mais il ne faut pas occulter l’avantage immense de tout ce système : la créativité peut bien plus s’exprimer. On a bien plus d’outils et de possibilités de sortir de la musique, sans les contraintes passées, et c’est une bonne chose.

Vous avez tout de même réussi à faire quelques scènes récemment, et tant mieux vu la conjoncture actuelle, en dehors de l’accueil sur les réseaux, une fois confronté au public, comment les chansons de SILT sont perçues en live ?

Hyper bien, même avec une seule guitare. J’étais sur le cul. Les morceaux étant catchys ça aide un peu, mais que ce soit metalleux ou goths, même constat : ça marche bien !

Pas trop difficile de conjuguer tout ça avec la vie de prolétaire et la vie parentale ?

Je ne glande jamais, pas le choix pour rester optimum. Seul souci, avec un marcassin de 20 mois chez toi c’est que tu tombes malade toutes les 4 semaines, et ça c’est vraiment la misère. Ma femme est super conciliante et supporte toute cette activité, elle a compris que c’est assez vital. Elles sont cools nos meufs quand même.

On peut parler de « Exhale » cette instrumentale, et de la manière dont elle a été composée, car je trouve ce morceau exceptionnel et en plus du fait qu’il vienne à point pour clore ce formidable album, il a une atmosphère particulière, peut-être en décalage avec le reste de l’album finalement, non ? Qu’en est-il ?

C’est cool, merci. L’influence est très Archive. La tonalité mineure tranche avec le reste de l’album c’est vrai, j’ai utilisé beaucoup d’effets pour y donner un effet plus aérien. C’est un peu le genre de riffs que j’ai plus le droit de faire dans mes groupes de doom hehe, trop lumineux. Le morceau a été composé non pas comme un hit cette fois, mais comme une petite histoire. A la base, le morceau devait juste avoir des beats, mais on a finalement opté pour une vraie batterie pour donner plus de cohérence à l’ensemble. Le titre réfère simplement à ce premier souffle lorsque l’on sort la tête de l’eau. Toute une histoire.

promo.jpg (275 KB)

Nous voici au terme de cette entrevue, je te laisse faire le rappel de où est comment on peut se procurer votre album en format physique et où et comment on pourra vous voir sur les planches cette nouvelle année, si quelque chose est d’ores et déjà prévu, et j’en profite pour te remercier du temps accordé.

Des concerts sont bien entendus prévus, mais rien de certain encore. Pour nous écouter, spotify ou bandcamp sont le top ! Merci beaucoup pour ton interview et tes questions pertinentes ! A très bientôt.

https://silt1.bandcamp.com/releases

https://open.spotify.com/album/3zY50OJa572GEA7L5xdy0T

https://www.facebook.com/SILTofficial

https://www.instagram.com/silt.official/

Arch Gros Barbare

23/01/2023