10 novembre 2025

GROUPE: PARADISE LOST
TITRE ALBUM: Ascension
LABEL: Nuclear Blast Records
DATE DE SORTIE: 2025
Les années passent, les vieux fans vieillissent et beaucoup ont abandonné le Paradis Perdu depuis bien longtemps. Que se passe-t-il donc à l’Est d’Eden, si l’on ne connaît plus la discographie de ce groupe anglais traditionnel qui n’a jamais perdu de sa splendeur et de sa mélancolique noirceur ?
PARADISE LOST c’est une histoire d’amour, pas celle de tous les jours, mais celle dont on retient l’essence qui nous aura fait tourbillonner les sens.
Plus de trente cinq ans après leur formation, avec dans leur besace quelques pépites d’or qui ne perdront jamais de leur valeur comme « Lost Paradise », « Gothic » « Shades of god », l ‘iconique « Icon » (dont la version des trente ans n’avait d’utilité que la volonté d’exister encore, sans heureusement écorner le diamant taillé dans la plus belle pierre qu’avait pu offrir PARADISE LOST en 1993.) , et enfin la révélation fantastique « Draconian Times ». Pourtant bien que « Host » ait pris de la qualité au fur et à mesure des années si l’on sait s’éloigner du death/doom légendaire des britanniques, on sait malheureusement, en restant objectif que la carrière de PARADISE LOST a tout de même été en dent de scie entre 1997 et 2015. Car même s’il y a eu des albums plus ou moins bons, selon la manière avec laquelle on aborde les albums ( « Paradise Lost » « In Requiem » « Faith Divides us... »), avec l’honnêteté la plus transparente, il serait mentir que de ne pas dire qu’il y a eu aussi des albums plus ou moins mauvais (« Believe in nothing » en particulier »). C’est vraiment à partir de 2012 que l’ennui et l’ambiance soporifique dans lesquels s’était plongé PARADISE LOST ont fini par disparaître ; le groupe ayant réussi à sortir de sa torpeur avec « Tragic Idol » qui était nécessaire pour amorcer un retour véritable du chant guttural mais aussi de titres réellement rugueux et plein de relief, où l’on frissonne à chaque instant d’écoute.
Mais ce retour véritable, n’était palpable singulièrement et totalement que sur « The plague within » qui donnait pleinement dans la bipolarité, mais la bipolarité qui excelle. Et puis alors qu’on les sentait sur une bonne lancée, « Medusa » a joué son serpent pour siffler dans l’ombre la facilité, tandis que 2020 annonçait un véritable feu d’artifice de la mélancolie gothique avec « Obsidian » , un album hors du commun et pleinement ténébreux dans la nouvelle vision de la musique des anglais.
Alors tous les paris étaient ouverts pour cette nouvelle ascension, en attendant l’arrivée de cet « Ascension ». Est-ce que PARADISE LOST allait retomber dans sa léthargie où encore une fois le groupe allait -il faire son narcoleptique avec un bon album une fois sur deux ?
Non, c’était bel et bien un chef d’oeuvre que devait faire naître les britanniques en 2025, et « Ascension » n’en porte pas que le nom, ce nouvel album vous amène aux portes de la mort avec un choix à faire. Celui d’accepter ou non votre sort. Et ici il aurait été compliqué de ne pas se faire absorber par la qualité incroyable de ce nouvel album .
D’abord c’est un chef d’oeuvre parce que le groupe renoue littéralement avec le bon goût en matière d’artwork en prenant « The court of death » de George Frederic Watts qui pose l’égalité de tous devant la mort.
Ensuite parce que l’inspiration folle de ce nouvel album vient évidemment vous ressourcer et vous ramener aux plus belles années du groupe.
« Serpent of the cross » révélé sur la toile insipide donne un avant goût de l’album. PARADISE LOST prend ce qu’il y avait de meilleur dans « Icon » avec une production super puissante signée Lawrence Mackrory qui met en exergue la voix « moultipass » du sieur Nick Holmes (qui avec l’âge prend un peu de Mikael Stanne sur le retour). On reconnaît la patte sur ce premier titre dont les guitares de Aaron Aedy mais surtout de Greg Mackintosh vous ramènent presque trente ans en arrière où vous pleuriez de bonheur sur les sonorités de « Gothic » « Shades of god », avec la puissance d’aujourd’hui.
Et bien sûr que dès ce premier titre, la cause est acquise parce que l’album est un concentré de démonstration, un concentré de death/doom hautement inspiré et bien écrit. Vous voyagerez, oh oui vous voyagerez, dans un moment hors du temps au travers de ces cinquante minutes. Parce que si « Tyrants serenade » est de celles qui restent dans le doom/gothic que le groupe a su exploiter jusqu’à la moelle, ce titre possède l’âme d’un « Christian woman » de Type O Negative.
Deux titres, deux bombes. Comment est-il possible de ne pas succomber immédiatement ?
Tout en avançant, minute après minute, seconde après seconde, c’est l’évidence qui se profile à l’horizon, prouvant d’une manière inéluctable que c’est dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe. C’est ainsi que s’il y avait quelque chose à sauver des écoutes de certains, « Salvation » vient à point nommé pour vous absoudre de vos pêchés avec un titre extrêmement lourd, noir oppressant et terriblement solennel dans son atmosphère ; recette dont les habitants de l’île d’en face ont toujours été si fiers. C’est d’ailleurs sur ce titre d’anthologie que la main divine s’est posée pour donner une rythmique d’une immense clarté où le chant de Lord Holmes prend une tessiture particulière qu’il n’avait jamais vraiment prise sur les albums précédents aidés par les backing vocals de Lawrence Mackrory. Vous plongerez corps et âme dans la noirceur de cet album , parce que sachant que ces trois titres vous entourent tel un linceul musical funèbre, il est certain que vous irez jusqu’à l’ascension totale de ce joyau pour y laisser votre âme.
PARADISE LOST écrit ici une véritable bible musicale qui retrace l’immensité de leur talent à travers les années et les générations. Rien n’est à jeter, car les chansons tiennent la distance jusqu’à la fin, et cette fin n’est pas celle de leur carrière , mais plutôt celle de l’auditeur, qui à bout de souffle aura du mal à trouver son salut.
On retrouve dans les recoins les plus sombres des morceaux, cette écriture divine des anglais qui savent amener la torpeur en des lieux où personne ne s’attendait à fléchir.
La force et la puissance sont également de la partie sur « Silence like the grave » dont les ténèbres débordent jusqu’aux premières lueurs de l’aube, tandis que « Lay a wreath upon the world » se fait polymorphe avec une espèce d’acoustique où l’ombre du mal électrique reste au dessus pour jaillir de nulle part avant la fin du morceau.
Toujours plus puissant, toujours plus vivant, Nick Holmes hurle sa torpeur avec « Diluvium » qui offre un visage plus poilu que ses consœurs, pour montrer une fois de plus que l’hommage à la période bénie est bel et bien présent sur cet album. Parce qu’alors que le titre commençait comme un plat réchauffé, c’est son accélération gothico/doom qui vous fera danser dans une course effrénée où le tempo s’emballe pour donner au temps une immobilité à laquelle vous n’auriez jamais fait attention. Et PARADISE LOST joue avec les notes pour que vous écoutiez sincèrement leur album sans vous soucier du temps qui passe. Ainsi « Savage days » prendra des allures profondes comme les premiers titres de l’album alors que « Sirens » se rapprochera fortement des temps draconiens où PARADISE LOST dominait le monde entier, avec en plus cette petite inspiration exotique sur les rythmiques qui ne laissent pas indifférent.
On ne savait quoi penser de la venue de ce nouvel album, maintenant on en a conscience, « Ascension » porte bien son nom et PARADISE LOST atteint sans conteste aujourd’hui, le firmament des groupes de death/doom/goth les plus talentueux de sa génération.
Voici un véritable chef d’oeuvre d’écriture musicale et d’interprétation. Et si vous en doutez, allez jusqu’à « Deceivers », vous saurez…
Arch Gros Barbare
10/11/2025