
20 mai 2025
Le death, le grind, deux courants de musique extrême qui perdurent au fil des années comme un long courant d’eau fraîche ayant pris tous les oligo-éléments au fin fond des entrailles de la Terre, les entrailles les plus sombres, pour rejaillir encore aujourd’hui avec une intensité incroyable.
Et Putrid Offal c’est ça, c’est plus de trente de brutalité , avec une intensité incroyable, et le nouvel album « Obliterated life », sorti chez Time to kill records en est une preuve irréfutable. Ça saigne toujours, le groupe est plus en forme que jamais…
Entrevue avec Fred.
Voici 11 ans, depuis le ep « Suffering » que PUTRID OFFAL est revenu d’entre les morts, pour le plus grand plaisir des death/grindeux, et avant de parler de votre nouvel album « Obliterated life », sorti chez Time to kill records, j’aimerais savoir tu avais envie de parler, d’avoir un petit mot pour Nico, l’équipe et les labels successifs Kaotoxin et Xenokorp qui ont je pense contribué beaucoup au retour de PUTRID OFFAL à l’époque, avec des rééditions, et des sorties réellement sublimes de votre split avec Exulceration de 1991, et des albums qui ont suivis, parce que les déclinaisons de Mature Necropsy et Sicknesses Obssessions étaient vraiment sublimes ?
Fred (bass et backing vocals) : J’ai coutume de dire que Nico est le 5e membre de Putrid Offal. Même s’il a arrêté ses activités, il nous a épaulé lors des démarches pour rejoindre Time to kill. Il a également été une oreille attentive sur ce nouvel opus. Nous lui devons beaucoup et nous lui seront éternellement reconnaissant de ce qu’il a fait pour nous.
Vous voici donc de retour avec un nouvel album en poche « Obliterated Life », un album tous les cinq ans, c’est un bon rythme de croisière pour tout préparer convenablement, autant l’écriture que la production et ce qu’il y a autour. En général comme vous le faîtes, l’on préfère moins d’albums dont les sorties sont trop proches, car bien souvent certains perdent en qualité ; vous, vous prenez réellement votre temps ce qui est une bonne chose, d’une part pour apprécier l’album, mais surtout pour avoir une réelle qualité. A côté de cela, le temps se faisant, est-ce qu’à un moment PUTRID OFFAL envisagera de ne plus faire que des concerts comme INHUMATE ou alors inversement juste écrire des albums ?
Bien que l’on sait tous que le death/grind sans concert n’a plus la même saveur, et peut-être plus vraiment de sens ? Mais ce jour là ne semble pas encore prêt d’arriver à mon avis non ?
A vrai dire, cet album aurait dû sortir plus tôt, nous avons perdu un an avec les dates imposées par Time to kill. Cinq ans, c’est un peu long, trois ou quatre, c’est une bonne moyenne. Il n’est aucunement question d’arrêter les live ! Déjà parce que nous aimons trop cela, être en contact avec le public, ensuite parce que l’économie des groupes n’est plus basée que sur ça. Si tu ne vends pas de merch, tu n’as plus aucun moyen de financer la suite ! Quant au style de musique que nous faisons, je ne sais pas si cela a vraiment un impact. Les gens savent que nous ne faisons pas du slam ou doom mais, après, comme on n’a pu le constater en live, lorsqu’ils écoutent ce que nous faisons, cela a plutôt l’air de les séduire. Que ce soit du death, du deathgrind, du grind, tant que les auditeurs s’y retrouvent, ça nous va plutôt bien.
En parallèle, on vous voit bouger assez loin, et en ce moment, un peu partout, en mars en Belgique, aux Pays bas, en avril en Finlande, en mai en Italie...Est-ce que vous vous êtes donnés un objectif de croisière, à savoir pas trop de concerts rapprochés, mais plus de concerts éloignés ?
Et la France dans tout ça ?
Ah la France ! C’est notre réel problème. Je ne comprends pas pourquoi nous sommes boudés par tous les festivals et autres programmateurs de l’Hexagone ! C’est un mystère total ! Je crois que depuis le Hellfest en 2017, nous n’avons plus jouer sur un festival d’envergure en France, même dans notre région ! C’est comme ça et je n’ai pas d’explication. On a tourné avec Blood Red Throne et nous avons reçu un accueil très chaleureux des Finlandais, idem en Italie, Belgique ou Pays-Bas. Nous aimerions jouer plus souvent mais, avec nos emplois du temps professionnels, ce n’est pas toujours simple. Malgré tout, on ne désespère pas d’effectuer une tournée européenne. Pour la suite, nous avons des dates en Allemagne, Autriche et Suisse.
On a la sensation qu’aujourd’hui PUTRID OFFAL est tout de même de renommée internationale, et c’est bien mérité, car en dehors de nos frontières, on parle pas mal de vous. Avec le recul , en 2014, vous aviez en tête quelque chose de précis, quand PUTRID OFFAL a repris du service ? Vous pensiez que onze ans plus tard, vous en seriez à un troisième album ? Car au final en onze ans aujourd’hui vous aurez été plus riches en écriture qu’à vos débuts ? C’est dû à quoi selon vous ? Parce que la conjoncture actuelle, n’est plus vraiment la même, et le death/grind, bien que les jeunes fans soient devenus de vieux fans aujourd’hui, et sans doute un peu plus nombreux, ils n’ont pas le même regard, la même oreille…
En 2014, nous voulions juste réenregistrer nos titres pour nous, sans que cela soit rendu public. Et puis, Nico est passé par là et, trois ans plus tard, tu te retrouves sur la scène de l’Altar au Hellfest ! Rien de ce qui nous arrive aujourd’hui n’a été programmé ni même imaginé. C’est pour cela que nous savourons chaque instant. Chaque concert, même devant 15 personnes, est un vrai moment de bonheur parce que nous n’attendons tout simplement rien de particulier. Si ce n’est de s’amuser et de passer un bon moment avec des personnes venues faire la fête avec nous.
Encore une fois si Nico n’était pas passé par là, il n’y aurait sans doute eu aucune compo. Mais avec le temps tu te prends au jeu. Nous sommes d’ailleurs déjà en train de plancher sur le prochain album.
Allez pardon pour ces digressions, parlons de ce nouvel album « Obliterated life », déjà étrangement niveau visuel , vous êtes revenus à quelque chose de plus « réel », je veux dire que sur le ep « Suffering » vous aviez cette connotation humaine, dérangeante qui s’est éloignée avec « Mature necropsy » ou « Sicknesses Obsessions » pour devenir moins réaliste mais autrement sublime. Alors que là vous revenez aux basiques, à la suggestion, car c’est à nous de deviner sur cette nouvelle pochette, comme ça l’était avec « Suffering », il y a une explication à cela ?
La suggestion demeure le mot clé de nos visuels. Le gore bête et méchant, on a donné dans les années 90 et, franchement, c’est bien souvent pathétique. Soigner ses visuels est très important, cela donne une identité au groupe mais aussi un sens à ta musique, à ce que tu proposes. Nous avons mis du temps à trouver cette pochette qui ne reçoit que des éloges d’ailleurs malgré son côté minimaliste. Nous voulions quelque chose de froid, de percutant sans pour autant tomber dans l’outrance et l’exagération. Et puis, il y a tellement de sorties d’albums que tu es obligé de te démarquer par ton visuel pour attiser la curiosité des amateurs du genre. Nous ne voulons pas être noyés dans la masse. D’ailleurs, beaucoup de nos chroniques aux Etats-Unis l’ont été parce que les rédacteurs ont été attirés par la pochette.
Alors vous avez fait fort sur cette sortie, parce que vous avez mis un titre bonus, sur le format cd et un titre bonus sur le format vinyle, est-ce que tu veux en parler, puisqu’il me semble que vous avez aussi un bonus sur les plateformes numériques ? On pourra découvrir quoi finalement ?
Il y a trois formats (CD, LP, digital) avec trois bonus. Nous avions déjà fait cela sur Sicknesses avec un titre différent sur le CD et le LP. J’estime que lorsque tu fais l’effort d’acheter un format, il faut lui apporter une saveur qui rend cet achat particulier. Tu as trois titres inédits qui ne figureront que sur ces formats, c’est un petit plus. D’ailleurs, le bonus du CD, Theatrum anaticum, est souvent considéré comme l’un des meilleurs titres de l’album, ce qui prouve que ce ne sont pas des morceaux au rabais.
Pour ce qui est de la reprise de Napalm Death le choix s’est posé sur un album de 2006 « Smear campaign », il y a une explication particulière pour ce titre, qui vient d’un album de milieu de carrière, ni trop primaire en grind, ni trop froid comme ce qu’ils ont fait dernièrement ?
Nous avions sélectionné quatre titres répartis sur les premiers albums de Napalm parce que ce sont ceux qui nous parlent le plus. Je suis un fan absolu de ce groupe mais mon album préféré demeurera Enemy of the music business. Il y a tout ce que je recherche dans cet album, la violence, la brutalité, la différence, c’est un condensé de ce qu’est Napalm. On ne voulait pas un morceau trop grind, ni un trop industriel, même si ce n’est pas le terme adéquat. « When all is said and done » nous correspond bien au final, même si ce n’était pas mon premier choix, il y a une partie assez mélodique, une autre très grind. C’est Putrid en fait !
Avec la guerre économique qui fait rage entre tous les pays et les blocs de pays et les frais de port qui piquent sévèrement, surtout pour les petites gens, est-ce que vous-mêmes vous en avez en distro ou vous en vendez uniquement sur vos concerts ?
Ce sujet a été longuement aborder avec notre label. Nous voulions des frais de port les moins élevés possible pour faciliter les ventes. Ils ont opté pour une autre politique que nous regrettons. Le mieux, si tu veux avoir l’album au meilleur prix et de venir à nos concerts ou de nous écrire et on ajuste les frais de port en fonction du pays.
Vous avez de nouveau invité quelques personnes sur ce nouvel album, à savoir Dennis le chanteur de Severe Torture, comment s’est-il retrouvé sur cet album de PUTRID OFFAL ?
Parce que nous avions tourné avec Inhume et, à l’époque, il était l’un des deux chanteurs. Nous avons passé de très bons moments et Dennis, malgré la renommée de Severe Torture, a été adorable. Lorsqu’on lui a proposé, il était ravi et emballé par l’idée. Il aurait également dû y avoir Keijo de Rotten Sound mais son emploi du temps n’était pas compatible avec le nôtre.
On parle souvent de votre musique en la comparant aux vieux Carcass, mais malgré tout PUTRID OFFAL possède sa propre personnalité, j’aurai plutôt tendance à vous comparer oui, comme un Carcass français, mais alors comme Haemorrhage est un Carcass espagnol. Haemorrhage, c’est un groupe que vous appréciez, ou avec qui vous avez déjà tourné ? Car eux aussi ont une longévité d’existence et une efficacité similaire à PUTRID OFFAL ? Quand on les voit sur scène et qu’on vous voit sur scène, au niveau des tenues, vous pourriez monter un hôpital ensemble, ça pourrait aider, vu les difficultés du système médical et l’appauvrissement des soins en France...Je plaisante évidemment…
Au début des années 90, j’effectuais du tape trading avec Luisma, le guitariste, et Fernando, le chanteur. Je suis fan d’Haemorrhage depuis leur tout début, je dois avoir la discographie complète du groupe. J’aime beaucoup leur son et leur approche du style. C’est d’une rare efficacité. J’avoue que si nous pouvions nous faire une soirée blouses presque blanches avec Haemorrhage et General Surgery, ce serait top ! D’ailleurs, nous n’avons jamais joué avec ces deux groupes… Quant à Carcass, cela restera notre influence majeure même si nous essayons de nous en détacher. Mais chasser le naturel, il revient au galop !
On peut s’apercevoir depuis quelques années que la société semble devenir ultra violente, à tous les niveaux, que ce soit dans le réel, au national, à l’international, humainement, individuellement, comme si cela n’impressionnait plus personne. Et du coup des albums brutaux, violents, voire même censurés comme certaines pochettes de Cannibal Corpse en leur temps, ne font plus vraiment frémir de peur, vu ce qu’il se passe dehors. Tout va toujours plus loin, toujours plus violent, que ce soit en film d’horreur, en série, en musique, en vitesse…
Et j’en viens donc à penser que la musique brutale des 90’s est devenue beaucoup plus douce par endroits, et je ne parle pas d’inspiration mais de brutalité, par rapport à tout ce qui a pu sortir en 35/40 ans. Aujourd’hui le death, le grind comme nous l’avons connu dans les années 80,90… ne possède la violence de certaines musiques actuellement, penses-tu que la brutalité de la musique puisse encore plus aller vers l’extrême sachant qu’au vu de tout ce qui est sorti en 40/50 ans, on peut penser qu’on a déjà été le plus loin possible ?
Je trouve surtout que cette vitesse dans la musique tourne à la démonstration de maîtrise individuelle d’un instrument. Perso, je n’en peux plus d’entendre tous les groupes de slam ou de tech death utiliser les mêmes plug in, les même sonorités de batterie, des tempos effrénés que certains n’arrivent d’ailleurs pas à reproduire en live si ce n’est via le numérique. Chacun sa vision de la chose mais je pense que faire 24 notes là où quatre suffisent ne font qu’apporter confusion et inaudibilité au projet. Ce qui m’importe, c’est l’efficacité et la précision. Pour ce qui est de l’époque actuelle, celle des années 90 n’était pas la plus brillante qu’il soit. Le même excès d’individualisme, de violence mais à la vitesse d’un minitel !
Ce nouvel album est court, mais pertinent dans son efficacité, comme le précédent d’ailleurs, mais si l’on ne compte pas les bonus, vous l’avez fait terminer par un titre extrêmement massif et plus lent, faisant de « God of emptiness « sur « Covenant » ou encore de « Gallery of suicide » sur l’album du même nom. Et donc « The black veil » est-ce que c’est un petit peu votre aire de repos sur la demi heure de l’album où c’est la fin de toutes choses, qui représente la mort ultime en lien avec les titres, le titre de l’album et sa pochette ?
Je pense qu’il y a surtout la volonté d’explorer autre chose. Dans Putrid, il y a des amoureux du doom comme Laye, du death, du grind mais aussi de l’industriel, comme Phil et moi. Ce titre, c’est une approche vers un élargissement de notre spectre musical sans pour autant renier le grindcore et le death metal. Mais je pense qu’à l’avenir, il y aura un, deux ou trois titres de cette trempe. Un peu comme ce qu’a fait Rotten Sound sur son album Abuse to suffer avec le titre Yellow pain, un morceau très doom et sombre.
« Oblitared life » nouvel album, avant de se dire au revoir, qu’est-ce qui est prévu en terme de concerts sur le reste de l’année ?
On ne désespère pas de jouer en France mais ce sera surtout à l’étranger avec des dates bouclées pour l’instant en Allemagne, Suisse, Autriche. N’hésitez pas à suivre nos réseaux pour être informé de nos pérégrinations. Merci pour ton aide et ton soutien. Supportez l’underground en vous déplaçant sur les concerts car ce n’est pas avec vos écoutes sur les plateformes digitales que vous ferez vivre les groupes et la pluralité musicale. A bientôt.
Arch Gros Barbare
19/05/2025